« séance spéciale de cinéma »
Mercredi 17 Juin 20 H
Le Cinéma Lux et L’ACCAAN présentent
"Le film est déjà commencé ? "de Maurice Lemaître

projection mise en scène par Joël Hubaut




Séance spéciale de cinéma organisé par Régis Cotentin. le 17 juin 1998 . Studio de l’ACCAAN. Cinéma Lux.. Caen

Projection mise en scène du film de Maurice Lemaître « Le Film est déjà commencé » par Joël Hubaut

Une installation / écran est arrangée dans le fond de la salle sur plusieurs niveaux et plusieurs plans de manière à créer un dénivellement et une mise en abîme. La projection est ainsi réceptionnée sur plusieurs écrans et supports installés dans l’espace architecturé par décalage; diagonales, paliers, escaliers, mouvements, variations.Tous ces fragments d’écrans mobiles et enchevêtrés sont animés légèrement par des ventilos. Pour retenir des bribes de projections, de nombreux vêtements sont accrochés et suspendus sur des rangées de fil à linge à différentes hauteurs et traversant la salle d’une façon chaotique. La projection vient buter sur ces pans de loques accrochés un peu partout, créant des plans lumineux animés sur plusieurs niveaux.
A la projection principale du film sont ajoutés d’ autres projections :

-Une vidéo projection centrale (elle diffuse son faisceau aussi à travers l’installation suspendue, puis ricoche, traverse et s’écrase contre les bouts d’écrans préparés)
-Deux projections super 8 mobiles ( les projectionnistes S.8 déplacent les appareils à leur guise en mitraillant de toutes parts)
-Deux projections carrousels diapos également mobiles. ( projections déformantes de cadrages géométriques renouvelés )
-Des lampes de poches distribuées à quelques spectateurs au hasard pour amplifier le graphique désordonné des faisceaux

Toutes ces projections sont évidement simultanées et entrecroisées. Grâce à une machine à fumée de théâtre, les faisceaux sont révélés physiquement et cela produit des sculptures de lumière coniques croisées, mouvementées et variables qui traversent la salle, créant ainsi une dynamique très énergique dans l’espace. La fumée brouille évidement complètement les films déjà très abstraits, cela ressemble plus à un light-show qu’à une projection de cinéma. Pour créer de l’imprévisibilité en permanence, une meute de 25 chiens est lâchée dans la salle durant toute la projection, les chiens errent en toute liberté entre les spectateurs, ils ont plutôt peur et cela provoque une grande confusion d’autant que 3 serveuses distribuent gratuitement et avec insistance des alcools à chaque spectateur (Whisky-Calvados-Vodka uniquement). Si les spectateurs semblent légèrement hésiter à la première tournée, ils sont de moins en moins raisonnables durant la projection et au bout d’une demi-heure à peine, l’ambiance est totalement délirante, ce sont les spectateurs cette fois qui hèlent les serveuses pour se faire remplir leur verre. Pendant toute la projection et la distribution d’alcool, je me déplace comme les chiens en tous sens en allumant des pétards, en vaporisant du désodorisant de toilette, en distribuant des sifflets, ce qui affole les chiens qui galopent sous les sièges puis je scie quelques pieds de chaises métalliques avec une tronçonneuse électrique en jouant avec les gerbes de feux qui giclent dans l’obscurité et j’essaye de guider, de moduler, d’étendre ou de rétrécir ces giclures incandescentes dans l’espace, cela provoque une pagaille infernale, les spectateurs courent en tous sens pour éviter ces comètes qui risquent de brûler sinon la peau, du moins les vêtements. Pendant toute la séance, afin d’être cohérent avec mon projet de saoulerie collective, je n’hésite pas moi-même à ingurgiter une bouteille entière de whisky, ajoutant de ci, de là, quelques verres de vodka ou de Calvados puis je termine dans le coma cette séance de cinéma dédié à Maurice Lemaître.

Joël Hubaut juin 1998