Le Bo-ü est une machine complexe, un dispositif mixte, exponentiel et interchangeable, élaboré comme site-multi-relais, catalyseur de nouvelles subjectivations. Prétexte à déployer d’autres perspectives d’inventivité collective, la machine est fusionnelle, elle produit des mises en circulations de pratiques mutantes, transversales, existentielles. Le Bo-ü est une grande installation épidémique résultant de mes précédentes installations et dont l’énergie stimule un mixage croissant. Il comprend un ensemble de pièces anciennes que j’ai extraites de mon parc de stockage ( sculptures, objets, dessins, peintures, divers etc...) Rapportées telles quelles ou recyclées, les pièces sont irriguées les unes aux autres selon un processus « in progress» et des connexions dirigées. En reliant et alimentant ces fragments épars antérieurs comme un auto-réseau actif, leurs combinaisons nouvelles entraînent des greffes, des charnières, des prothèses, des articulations à inventer autant que de nouvelles pièces alternatives à créer pour que le tissu multipliant obtenu induise d’autres machinations et des nouveaux champs d’investigation. De structure protéiforme contaminante, le Bo-ü s’organise en absorbant les nouveaux messages impulsés. Ces influx provoquent des modifications et des trajectoires qui produisent des re-compositions en chaîne, elles-mêmes génératrices de fissions dispersantes auto-reproductrices. La construction flexible et contextuelle du Bo-ü est une manoeuvre provisoire renouvelable. Compatible au terrain emprunté, elle s’expanse par effet- proglottis proliférant ( anneaux concrets ou virtuels) diffusant de nouveaux passages intermédiaires et indéterminés ( raccourcis- rallonges-) activant ou ré-activant des tensions propagées dans une trans-configuration nourrie de matrices instables et de blocs dynamiques issus des précédents chantiers tel que: le laboratoire épidémik 1970/1978, la centrale mixage 1972/1985, le château en Espagne 1980/1988, la ligne Bar-Bar 1989/1993, la Rabbit Generation 1992/1995 etc…Le Bo-ü convoque un espace circulant expansif selon des zones interactives et des noyaux compressés qui déclenchent des arborescences ouvertes, illimitées. Ramification et retraitement connectés induisent l’accélération de formations hybrides, télescopées et transitoires selon une transformation réfléchissante et transmissible. Le Bo-ü est comme un corps-machine-cerveau mutant émetteur et récepteur. Il tend par vibration et tension à une monstruosité virulente, il est construit sur une charpente singulière agglomérée, déjà constituée de plusieurs centres privés contigus prélevés parmi le résiduel de mes travaux personnels, renouvelés, ré-inventés, il est la cristallisation éphémère d’une attitude, le rayogramme d’un engagement, une recomposition d’éclats activant des pistes probables. Le Bo-ü est l’essai d’une machinerie modifiante, propulsive et déviable qui ne peut être ni consommée, ni contemplée mais éprouvée activement. Il est déployé pour agir comme échangeur, proposant de propager de nouveaux aménagements relationnels à venir. Il traite les flux de mon activité variée par transits et faisceaux rhizomiques, intégrant perte, ratage, attente, désir. Il engendre métissage et singularité mêlés, stimule assimilation, disponibilité et incorporation de corps étrangers dans son écosystème hétérogène et proliférant, il assume le risque de modifications accidentelles, il est ouvert à tous processus d’échange comme de télescopage. Le Bo-ü est un échangeur expérimental. A cet effet, il est essentiellement conçu comme structure préparée, ouverte, qui ne peut s’accomplir qu’avec le consentement d’artistes conviés à intéragir. Cette volonté d’organiser et de présenter un dispositif personnel traversé par des éléments extérieurs est un geste délibéré, revendiqué comme posture de résistance dans le contexte général menaçant où les territoires ne sont valorisés que dans un souci de purification et d’étanchéité. Au contraire de tout intégrisme, le Bo-ü prône le passage comme espace où le désir circule, bouleverse, contredit, permet, révèle, offre, échange…
Afin d’éprouver et de tester ce projet interactif, j’ai invité de nombreux partenaires divers à rejoindre le Bo-ü en toute liberté. Chacun des hôtes pourraient être simultanément solidaire et indépendant à la machinerie et s’engager à prolonger le Bo-ü en ouvrant sa propre agence de transmission individuelle.


Joël Hubaut mars 1995